L'Ouragan F.Y.T.

"Je considère L’Ouragan F.Y.T. comme un film profondément audacieux. Il ne cherche pas à plaire, ni à rassurer. Il ne prend pas de gants pour représenter une réalité qu’on préfère souvent ignorer. Il prend le parti de la rue, de la révolte, de l’enfance perdue — et il le fait sans compromis, dans le fond comme dans la forme. Dès le titre, le ton est donné. Fuck You Tabarnak! n’est pas qu’un cri de colère, c’est une déclaration d’indépendance. C’est un enfant qui dit non. Non à la violence à la maison. Non aux institutions qui le broient. Non à l’idée qu’il faudrait être sage, poli, ou discret pour mériter une place dans le monde. J’ai voulu faire un film à son image : libre, brut, vibrant. Delphis, c’est un enfant de 11 ans qui fugue, qui prend le large, qui se crée un personnage plus grand que nature — L’Ouragan. Il n’a rien, il est seul, mais il décide de se raconter comme une légende. Pour moi, c’est là que réside l’audace du film : dans cette idée qu’un enfant peut devenir le héros de sa propre fuite, qu’il peut affronter le monde sans filet, avec comme seules armes son instinct et sa rage de vivre. J’ai voulu coller à cette énergie, à ce mouvement intérieur. La mise en scène est viscérale, nerveuse, instinctive. Je n’ai jamais cherché à faire un film “propre”. J’ai cherché à capter quelque chose de vivant, d’imprévisible, de presque animal. Ça passe par le langage, bien sûr — cru, coloré, direct — mais aussi par le rythme, les silences, les regards, les moments suspendus. Je me suis permis des changements de ton, des glissements du réalisme vers quelque chose de plus poétique, presque mythologique parfois. Parce que la rue a sa propre magie. Parce que la colère, la douleur, l’abandon peuvent aussi produire de la beauté. Ce film, c’est aussi un geste d’indépendance artistique. Je viens d’un cinéma qui se fait avec les moyens du bord, mais avec tout le cœur. Je revendique le droit de filmer autrement, de raconter autrement, de prendre des risques. L’audace pour moi, ce n’est pas un effet de style : c’est une nécessité. C’est ce qui permet de dire quelque chose de vrai, de profond, d’inconfortable. C’est ce qui permet à une œuvre de respirer hors des cadres. L’Ouragan F.Y.T., c’est une claque, oui. Mais c’est surtout une main tendue à tous ceux qui ne rentrent pas dans le moule. À ceux qui crient dans le silence. À ceux qui rêvent de fuir, et qui finissent par se construire eux-mêmes dans le chaos."

Ara Ball