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Réalisateur, scénariste et vidéaste. Avec des études en biologie, en sociologie et en littérature en plus d’une formation professionnelle en danse et chorégraphie, l’acadien Rodrigue Jean fut une figure phare du cinéma queer francophone vers la fin des années 1990.
Fondateur de la troupe de danse Les Productions de l’Os, il vécu à Londres pendant dix ans et sa première vidéo, intitulée La déroute (1990), fut basée sur sa chorégraphie. Ses courts-métrages subséquents comprennent le film lauréat La mémoire de l’eau (1996), un narratif troublant d’un homme hanté par la mémoire de son amant après avoir noyé celui-ci alors qu’il était mourant, ainsi que L’appel/Call Waiting (1998), un mélodrame inspiré de Cocteau présentant une rupture gaie téléphonique.
Le premier long-métrage de Jean fut Full Blast (1999), basé sur le roman acadien lauréat L’Ennemi que je connais de Martin Pître. Véritable bouffée d’air frais lors de sa tournée des cinémas populaires et des festivals queer en 1999, Full Blast est un film d’art maussade avec fond de culture pop qui parle des vies sans issues de cinq personnes de l’arrière-pays. Il fut tourné à Bathurst au Nouveau-Brunswick, une petite ville en bordure de la magnifique baie des Chaleurs où l’usine de pâtes et papiers est fermée et les gens fument beaucoup trop (tabac autant que pot). Piston, Charles et Steph, trois amis en mal de vivre, se retrouvent et rêvent de relancer leur groupe de musique. L’ex-copine de Piston Marie-Lou est une sublime chanteuse et le seul espoir du groupe, mais elle résiste car Piston est un vendeur de stupéfiants, un fumeur excessif de pot et un moins que rien qui refuse de s’occuper de leur fille. Le tout se joue sous le regard de la propriétaire du bar, une femme sage et tenace nommée Rose qui, comme le reste des gens du coin, ne sait pas comment dire non. Cette dernière est jouée par Louise Portal, dont la participation a permis à Jean d’obtenir un budget généreux et des acteurs de renom pour son premier film (pas que les producteurs ne se sont pas désistés lorsqu’ils ont finalement vu le film sexuellement transgressif et contemplatif, dirigé d’une main de maître par Jean – jusqu’à ce qu’ils réalisent que le public en raffolait!). En fin de compte, le film n’est pas tant centré sur Charles, l’homme gay qui retourne dans le patelin qu’il s’était empressé de quitter, mais plutôt sur Steph, le joli bisexuel qui semble être un peu plus tenace et intègre que le reste de sa bande et qui baise – et se fait baiser – par presque tous les autres sans pour autant trouver ce qu’il cherche. Charles s’échappe à nouveau, mais Steph et les autres restent pris dans leur quotidien.
Jean a exploré en profondeur cette même veine mélodramatique de marginalité sexuelle, existentielle et sociale dans Yellowknife (2002), son second long-métrage. Comme ce dernier est un road movie, les personnages frustrés et solitaires de Jean ne sont pas pris au piège dans un patelin morne, effectuant plutôt un périple miraculeux de Moncton à Yellowknife parsemé de bêtes mortes en bordure de route, de braquages, de bagarres et d’orgies. Max, un beau jeune homme aux traits sombres, sauve sa sœur Linda d’un hôpital psychiatrique avant de prendre la route ensemble dans sa camionnette. En route, ils font monter deux danseurs jumeaux anglophones, une chanteuse lounge en piteux état (Patsy Gallant, la star québécoise du disco, dans un retour fort attendu), son gérant omnisexuel et, plus tard en chemin, un policier autochtone sans vices et sans reproches qui se lie d’amitié avec Linda. Ils finissent par arriver à Yellowknife mais, comme le genre le dicte, leur parcours est plus tumultueux que prévu. Yellowknife est une encyclopédie de sexualités marginales plus complète que Full Blast : inceste, travail du sexe, agression sexuelle, symbiose compulsive de masturbation-exhibitionnisme-voyeurisme, hétérosexualité conventionnelle chez le policier et découvertes de soi homoérotiques chez le frère et la sœur. Bien que cette transition vers la perversité pansexuelle associée au film d’art a déplu à quelques critiques, la réception critique de Yellowknife est venue confirmer l’originalité sans pareil de Jean et valait bien mieux que ses résultats navrants au box-office.
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