Entrevue de Mon cinéma québécois en France

« Des films pour apprendre » : entrevue avec Philippe Grégoire, réalisateur du Bruit des moteurs

par Pierre Audebert

Quoi qu’il en dise, l’heureux lauréat de la compétition long-métrage du festival Vues du Québec, festival de cinéma de Florac, n’est pas un garçon si ordinaire, mais un cinéaste « déter ». Des terres aussi, enraciné et même baigné par la culture rurale de cette région frontalière et peu connue du Québec dans lequel son film va nous plonger. Il apporte au cinéma québécois un ton nouveau et une façon bien à lui, véloce, de raconter une histoire gravée sur un socle de réalité où la communauté a toute sa place. Philippe Grégoire, c’est encore l’Amérique et il prend aussitôt place dans le paysage des cinéastes nord-américains dont il faudra désormais compter les tours de piste.

Si on doit deviner quelque chose de vous dans vos films, je dirais d’abord un paysage : agricole et plat, celui de votre court-métrage Un seul homme (2016) et du Bruit des moteurs (2021). Vu la manière dont vous le regardez, il paraît impossible que vous n’y ayez pas vécu !

Oui, c’est mon village, c’est l’endroit où j’ai grandi, où j’ai tourné tous mes courts-métrages et mon premier long, et aussi l’endroit où je vais aussi tourner mon prochain film. (rires) C’est super important pour moi. Quand j’écris, quand je pense à une histoire que j’ai envie de tourner ou plus simplement quand j’ai envie de prendre un peu de temps avec une caméra, et bien c’est là, dans mon village, ce paysage, ses terres agricoles. J’aime voir le ciel, c’est très important pour moi. Je n’ai pas envie d’écrire des scènes dans un appartement ou dans une maison, mais d’être à l’extérieur, en lumière naturelle. C’est la base, je serai toujours en extérieur pour écrire. Ma façon de travailler est donc beaucoup influencée par les lieux, c’est à dire que je me promène en voiture près de mon village, même avant d’avoir trouvé une histoire, avec une caméra ou un appareil photo pour photographier des lieux. Je vais voir des endroits qui m’intéressent et j’y ai des fois des idées. Mes parents ayant tenu un commerce au village, ils connaissent beaucoup de gens. Je leur dis par exemple : « Hé je cherche une ferme laitière. Je voudrais qu’elle soit à peu près comme ça, qu’on voie les vaches – Ok, je connais telle ou telle personne. » Alors j’y vais avec mes parents et ils me présentent les gens. Je leur demande l’autorisation de prendre des photos. Puis je reviens chez moi, je les range dans l’ordinateur et à partir de là, je commence à les regarder en me demandant quels clichés pourraient ressembler à un film et ça, ça me donne envie d’amener le cinéma à cet endroit là ! Je trouve que c’est un espace cinématographique. Il y a donc un mélange dans le scénario entre l’influence des lieux et des idées que j’ai envie de mettre en place. Je procède alors par association, puis le lieu peut m’amener à un autre endroit… C’est un aller-retour entre les deux. Moi, j’adore cette partie là !

Philippe Grégoire au festival Vues du Québec - Photo Christian Ayesten 2022

C’est donc un rôle de concepteur visuel, metteur en scène et scénariste…

Oui. Quand j’écris, j’essaie de vraiment entrer dans les détails. Le lieu est déjà choisi donc si les gens lisent le scénario, je peux leur monter les photos ou les y emmener. « Ça va être ici ! » Là je pense déjà à la mise en scène : « Le personnage va rentrer par là, puis marcher là... » Et je prends des photos. Si ce sont des gens qui travaillent dans une ferme, je regarde ce qu’ils font, quelles sont leurs activités pour utiliser cette même manière dans mon film. Il y a un côté très proche de la réalité, mais moi j’essaie de m’en détacher avec mes histoires. Le réel, c’est ma base.

Dans la grande tradition du cinéma québécois finalement…

Je ne l’ai pas recherché, mais oui ! Après, on peut prendre d’autres libertés à travers le scénario.

Cette manière de fonctionner conditionne évidemment le rapport de vos personnages à leur environnement, le rôle de l’espace, l’humain dans son territoire. Ne trouvez vous pas que le cinéma contemporain a justement un peu trop tendance à coller aux personnages ?

C’est sûr que je pense à la personne de la télévision amenée à l’idée : « Maintenant on va faire des gros plans pour que les gens dans leurs foyers puissent bien voir les films. » En plus aujourd’hui avec le streaming, les gens regardent leurs films sur leurs téléphones, donc j’imagine que si on est producteur à Hollywood, on y pense et on commence à se dire qu’on va faire beaucoup de gros plans ! Mais moi je suis un cinéphile qui a grandi dans les festivals. Je me rappelle qu’avec mon accréditation, j’allais voir trois films par jour durant tout le festival. C’est donc ici que j’ai pris goût au cinéma et non à travers la télévision, en voyant la programmation et des choix éditoriaux, en tissant des liens pour voir comment tout ça fonctionnait. C’est dire si pour moi un festival est un moment important. Quand j’ai terminé mon film, je l’adresse donc en toute logique aux festivals de films. Ce sont eux, et tous ces gens qui sont peut-être un peu comme moi, qui vont pouvoir le voir. En voyant beaucoup de films, je me rendais compte qu’on est plus intéressés par l’originalité. Rien ne me dérange plus qu’un film qui me donne une impression de déjà vu au bout de cinq minutes. Je ne voulais pas ça. En filmant mon village dans mes courts-métrages, je me suis rendu compte que l’endroit prenait de la place et était important, mais que je l’avais filmé un peu trop serré. En voyant l’image, je me disais : « Je connais cet endroit là et c’est beaucoup plus impressionnant que ce que j’ai filmé. » J’ai donc commencé à éloigner la caméra de plus en plus pour amener ces décors au cinéma dans leur totalité. Je pense que le côté documentation est important pour moi car mon village est un petit endroit, du genre de ceux où les gens ne restent jamais pour le visiter. Ce n’est pas du tout touristique et soudain, moi j’amène mon film ici et les gens de Florac ont la chance de voir mon village. Je veux donc le filmer de façon à ce qu’ils puissent s’y sentir à l’intérieur et impliqués, ça c’est important.

Les rapports familiaux sont également plutôt particulier chez vous : les pères sont des hommes âgés, décatis (Aquarium (2013), Un seul homme), un peu comme le pays qu’ils ont contribué à bâtir et qui a tendance à mourir économiquement et à muter… Cette lointaine banlieue victime d’une urbanisation industrielle et sauvage qui semble condenser des sites non dénués d’une certaine poésie mais qui comme des plaies environnementales (silos, parkings de trucks…), jurent sur la linéarité du paysage. Comment tu vis cette cohabitation ?

C’est simplement quelque chose que je vois en sortant de chez moi à Napierville et auquel je suis confronté. Ayant grandi avec ça, c’était juste naturel pour moi. À un moment donné, c’est un ami originaire de France qui a travaillé sur mes courts, puis mon long et que j’y ai donc emmené, qui m’a dit « C’est curieux l’urbanisme ici ! » Oh boy, je ne suis pas certain qu’il y ait un plan d’urbanisme... C’est là que j’ai amené cette phrase dans le scénario où le personnage dit « Ici, il y a de l’espace. On va construire selon notre besoin, mais sans vraiment se soucier de ce qu’on est en train de faire : on a besoin de ça, on le fait. » Ça donne des choix curieux, drôlement faits. Ça c’est la particularité. Quand je regarde un film sur une région agricole de la Chine, c’est étranger pour moi alors que c’est naturel pour eux. Je pense aux spectateurs chinois - le film n’a pas été présenté en Chine ! - à qui je donnerai à voir ma version de mon village. De même que j’écris mes scénarios avec un sourire en coin : est-ce que je ris un peu intérieurement ? Je trouve ça drôle. Je n’ai pas envie de filmer le banal, mais quelque chose qui fait réagir quand je le vois. Ça en fait partie et quand je regarde mes photos et que je vois quelque chose de curieux qui revient, je me dis que j’ai envie de le filmer.

À l’opposé des pères, on retrouve des mères étouffées et étouffantes, prises dans un univers domestique surchargé. C’est la mère d’Alexandre mais aussi la femme trompée d’un univers familial incestueux peut-être fantasmé dans l’oppressant Aquarium.

Pour Le bruit des moteurs, le père n’est pas présent dans le film. On ne le voit pas, je ne l’ai pas abordé car je n’en sentais pas la nécessité. Quant à la mère… Je peux parler de la relation que j’ai avec ma mère : c’est une bonne mère, elle m’aime beaucoup et je l’aime beaucoup. Mais les gens qui ont passé ou passent beaucoup de temps ensemble peuvent facilement être stressés ou sur les nerfs par rapport à l’autre. Je voulais donc montrer cette familiarité et parler du fait que même en vieillissant, je pouvais encore réagir comme un adolescent face à ma mère. Je réagissais rapidement et me disais qu’il me fallait me calmer. Je parle à ma mère, il faut que je sois respectueux car j’avais pris un mauvais plis. Ce sont des petites faiblesses dans ma vie sur lesquelles je dois encore travailler. « Je vais les mettre à l’écran ! ». Ça va être intéressant de voir une espèce de jeune adulte, encore trop adolescent, et dont la mère est peut-être un peu trop maternelle pour ce jeune devenu adulte. Je trouvais cette relation assez drôle. Et puis j’ai fait ce film en me disant que j’allais parler d’éléments que je connais plutôt bien, mais ce ne sont pas toujours les plus glorieux ! Les petits moments un peu honteux, on va les mettre...

Robert Naylor dans Le bruit des moteurs (Philippe Grégoire, 2021)

Est-ce que le cinéma vous a permis d’échapper à ce micorocosme perdu dans un macrocosme et à cette famille aimante mais très présente ? Est-ce que le cinéma était déjà un ailleurs ?

Qu’est-ce que le cinéma a changé à ça… ? C’est drôle parce que j’étais à Montréal et le cinéma, je l’ai ramené à mon village, à ce petit endroit. Au départ, c’est un geste naturel, sans me poser de questions. J’écrivais une histoire où il y avait des terres agricoles, des champs, alors que j’étais à Montréal. Déjà je suis allé voir mes lieux. Je savais où je marchais, où je regardais. Et puis quand on a commencé à présenter nos projets, je me suis rendu compte que j’étais un gars qui filmait la campagne. Tout le monde filmait à Montréal, dans les rues, les appartements et moi j’étais celui qui amenait des trucs du genre on était dans la boue. Le cinéma m’a vraiment permis de me rendre compte de mes lieux d’attache, ceux qui sont importants pour moi et où j’ai véritablement envie d’être, que le cinéma y existe. Souvent chez les jeunes qui viennent d’endroits ruraux ou un peu externes à la métropole, beaucoup ont envie d’aller là où ça bouge et où il y a de l’action. Cette action, j’y avais accès, je la voyais mais ne l’enviais pas. J’aime l’endroit où je suis et j’ai toujours envie de le filmer. Le cinéma m’a permis de faire deux choses que j’aime : raconter des histoires et les raconter de mon village. Sinon je n’aurais même pas la chance d’aller là d’où je viens ! Maintenant, je peux toujours y retourner, rencontrer des gens, prendre des photos...

Chez vous, la narration est un peu synonyme d’accélération, jusqu’à formaliser un changement de scènes par un changement de vitesse dans Le bruit des moteurs. L’impression qui ressort de votre manière d’écrire, c’est que vous n’aimez pas les scénarios trop balisés…

Oui, je trouve qu’il y a plein de façons de traiter la narration. J’aime beaucoup ce qu’on va montrer, ne pas montrer, ce qu’on va choisir. Le cinéma permet cela. Je pense aussi au théâtre, j’avais vu ça quand j’étais ado. Mais au cinéma, les spectateurs savent qu’ils ne vont pas avoir les décors naturels. Or au cinéma on peut tout montrer constamment, c’est possible. Mais moi je me dis plutôt « Non, on va restreindre ça » parce que la place qu’on laisse à l’imaginaire m’intéresse. Donc en cachant un peu les parties, en accélérant. À un moment du film, on parle d’une relation sexuelle entre deux personnes. On pourrait la montrer, on en a vu plein au cinéma ! Mais moi je coupe et même si tout le monde en parle, moi je ne vous l’ai jamais montrée, d’une part parce qu’on n’a pas besoin de la voir et d’autre part parce ce que c’est plus intéressant quand chacun se l’imagine. Chaque spectateur ou spectatrice est assis, regarde le film et réfléchit, se fait son cinéma dans sa tête. Ce sont les parties que j’aime travailler dans la vitesse, le rythme. Parfois je peux allonger, à d’autres moments je vais sauter une partie et vous aurez à combler les trous.

Votre premier long-métrage cite pas mal d’influences : la comédie burlesque, Louis de Funès, la nouvelle vague, André Forcier. On ajouterait bien volontiers Stéphane Lafleur pour le goût du décalage narratif, visuel et sonore, les noman’s land et David Lynch pour l’angoisse domestique, ces intérieurs que vous rendez assez oppressants. Quelles sont les influences cinématographiques que vous revendiquez et toutes les autres ?

Quand j’ai commencé à faire des courts-métrages, j’écrivais le scénario sur cinq ou dix pages et là je pouvais rapidement me dire que j’avais des influences très fortes, me demander comment tel cinéaste filmerait cette scène. J’étais capable d’ajuster, de modifier. Quand j’en suis arrivé au long, j’en ai pris conscience et un ami m’a dit aussi à propos de mon dernier court, Un seul homme, « Je ne te vois pas beaucoup dans le film ». Ça m’a fait poser des questions car il existe tellement de films et de bons auteurs et autrices que si moi je n’apporte pas quelque chose de personnel, et bien je n’apporte finalement pas grand-chose. « Il faudrait que je me concentre pour apporter ma propre pâte, et même mon assiette et dire « Voici, je partage ça avec vous, c’est ma part à moi ». J’ai donc commencé à écrire le film en essayant vraiment de ne pas m’obliger à montrer certaines influences, sans chercher à trop me cadrer et en acceptant le cinéma que j’allais faire. « Moi je suis une personne très ordinaire et je vais vous offrir ça » plutôt que de se dire « Si je veux attirer les gens au cinéma, il va falloir leur montrer quelque chose d’extraordinaire. Il faut que je sois une personne extraordinaire ! » Et bien non ! Je vais le faire à ma manière et cette confiance, il a fallu la travailler. Par moments, on cadre un peu plus large et puis là, il y a un zoom… On sent des influences mais moi je ne me disais pas « Waouh, c’est exactement comme telle personne » mais plutôt « Je le fais comme ça en ce moment parce que j’en ai envie, c’est comme ça que je veux raconter ce moment du récit ». C’est sûr qu’à un certain moment, Bruno Dumont est un cinéaste qui m’a influencé parce qu’il filme toujours dans sa région natale du Nord de la France, des territoires ruraux et agricoles comme moi. Et puis l’aspect P’tit Quinquin avec ces policiers, leur quête... Mais je ne peux pas dire que ce soit calqué comme à l’époque de mes courts-métrages. J’aime ce cinéma, j’ai appris de lui, mais il y a plein d’influences qui viennent de partout. J’ai commencé à lire les critiques… Beaucoup de gens ont nommé Quentin Dupieux. J’aime beaucoup son travail, mais je n’ai jamais pensé qu’on puisse faire de comparaison.

Un point commun serait en effet cette liberté dans la manière de raconter…

C’est ça, la liberté d’histoires fortuites qui arrivent. Comment les choses peuvent exploser… Une liberté qui vient de choses pas trop ancrées dans le réel. J’aime au cinéma quand tout est possible, qu’on peut écrire sans limites...

Tanja Björk dans Le bruit des moteurs (Philippe Grégoire, 2021)

Chez vous, les homme se livrent peu alors que les femmes dévoilent un inconscient un peu à rebours du politiquement correct actuel où l’animalité est plus souvent associée à la masculinité toxique. Quel est votre rapport à ces univers fantasmatiques ?

Souvent quand j’ai l’idée des histoires ou des personnages, je ne sais pas encore si iels vont être des hommes ou des femmes. Il est arrivé que je me pose la question, par exemple pour la directrice ou « Est-ce qu’Alexandre est un homme ou plutôt une femme ? » J’essaie de trouver l’angle qui m’intéresse le plus à partir du moment où je sais l’histoire que je veux. Mettons qu’on inverse les rôles et que ce soit donc un homme qui lui fasse des avances. Avec ce chef, automatiquement ce serait associé à de la violence, alors qu’ici un jeune homme comme Alexandre, assez fort physiquement, ne devrait pas normalement subir la violence de cette femme. Pour moi, la violence peut venir des deux côtés. Et je trouve ça intéressant de montrer un jeune homme qui subit la violence d’une femme à cause d’une sexualité désirée qu’elle ne peut pas avoir. Aujourd’hui, tout le monde montre ce qui se passe avec les hommes en situation de pouvoir et peut-être qu’ils ne comprennent pas puisque ça se poursuit encore, les hommes qui abusent de leur pouvoir envers les femmes. Je me dis donc que si c’est un homme qui subit les coups dans le film, ça va peut-être en réveiller quelques uns. C’est peut-être ça la façon pour leur faire comprendre puisqu’ils ne comprennent toujours pas !

Vous multipliez les croisements entre sexualité et mécanique, plaisir et vitesse, en allant jusqu’au fétichisme des armes, de l’uniforme, un peu à la manière du James Guercio d’Electra glide in blue. Mais dès le premier plan rapproché de votre étudiante douanière peu enclin au port d’armes, vous affichez une distance sceptique par rapport à la dérive d’un système autoritaire…

Oui et le début du film a même une approche plus documentaire car c’est vraiment quelque chose dont j’ai été témoin en travaillant en tant qu’étudiant à l’agence de service frontalier du Canada, cette arrivée de nouvelles mesures réglementaires comme le port d’armes pour les agents de douane canadiens. Certains étaient tout à fait en faveur de cette politique et d’autres s’y opposaient farouchement. Je voulais le montrer, montrer ce changement qui survenait à ce moment au Canada. Maintenant, les gens qui accueillent les étrangers vont être armés et ça envoie un message complètement différent de ce que ton pays montrait jusqu’alors. J’étais avec d’autres étudiants dont certains voulaient devenir policiers, donc ça allait parfaitement avec ce qu’ils souhaitaient faire plus tard. Moi j’étais l’étudiant en cinéma et on savait que je n’avais pas d’avenir dans ce rôle là, d’autant que j’étais assez sceptique : « Je ne suis pas à ma place, ça ne me tente pas, ce n’est pas naturel pour moi, je n’ai pas envie de faire la loi ». Je regardais donc tout ça d’un œil critique. Ayant vécu ce sujet, j’ai pensé que je pouvais l’amener et puis je trouvais que c’était un sujet original, que je ne voyais pas tout le temps au cinéma et je me suis dit que je pouvais porter les agents de douane à l’écran et ainsi, aller chercher ceux qui ne sont pas au cinéma. Pour moi c’était important de le faire. Mettre un peu de moi là dedans, montrer toute l’absurdité de la bureaucratie, de la loi.

Cette tendance à l’absurde est déjà une tendance naturelle au décalage. Pourriez-vous vous laisser aller jusqu’à la comédie et quels comiques remportent vos suffrages ? Quel ton vous parle ou vous fait le plus rire ?

Comme on a dit tout à l’heure, j’étais content qu’on me compare à Quentin Dupieux, mais je trouve son cinéma beaucoup plus drôle que ce que je fais avec Le bruit des moteurs. Il y a vraiment des situations géniales, j’ai plaisir à penser à l’idée. Mais moi j’écrivais plutôt le film avec un ton décalé, un sourire en coin : « Moi ça me fait rire mais ça ne va pas faire rire les gens. Ce n’est pas une comédie. Est-ce qu’ils saisiront tout ? Je ne sais pas. Ce sera à eux de savoir ce qu’ils veulent en faire ». Mais je savais que certains allaient saisir l’aspect très ridicule du film et qu’ils allaient rire à certains moments. Et puis j’ai appris que je ne pouvais pas faire de comédie, parce qu’avoir pour finalité le but de faire rire, je n’y arrive pas. Je ne suis pas intéressé par ça, par toujours trouver la meilleure farce, ça commence à vite m’ennuyer. Ça me rend triste et malheureux d’être sur un tournage qui se voudrait comique, je deviendrais dépressif et je ne serais plus capable de rire avec tout le monde. Après, pour les modèles, je regarde souvent des comédies et puis plus jeune, à travers la musique, j’entendais des discours. J’aime la subtilité dans l’humour, quand il y a une critique sociale qui peut m’amener à rire. J’aime les nuances, pas les extrêmes. Dans les différents tons, les gris et jouer là-dedans, il y a beaucoup à faire. Mais au Québec il y a une connaissance de l’humour, avec le festival Juste pour rire... Donc les québécois et québécoises sont naturellement portés vers l’humour, mais si je prend Stéphane Lafleur et même Denis Côté, c’est drôle, plaisant, mais ce n’est pas un cinéma de gros gags. C’est plutôt subtilement humoristique.

Autre décalage fréquent chez vous, particulièrement dissonant dans Aquarium, la juxtaposition du son direct avec une bande sonore extra diégétique : je pense à cette façon de traduire l’incommunicabilité d’Eve Duranceau et Pierre-Luc Brillant par un presque affrontement sonore. Aviez-vous pensé cette scène dès l’écriture ?

Pour Aquarium, j’avais pas mal d’idées parce que je savais que j’allais travailler avec mon ami Joël-Aimé Beauchamp pour la composition musicale et j’avais envie qu’on passe vraiment du temps ensemble à faire ce film. Je savais donc que ça serait assez présent mais je ne savais pas encore comment on allait le doser, ni comment tourner le film. Ça s’est fait en montage et en post-production. Mais sur Le bruit des moteurs, du fait même du titre, les sons devenaient importants et j’écrivais à quels endroits il y aurait de la musique. J’essaie de réfléchir s’il y avait des moments de musique auxquels je n’avais pas pensé… Mais non, je pense que tout était écrit au scénario comme par exemple lors de la passation des dessins, on entend des bongos d’où un aspect humoristique, ludique. La musique sert à ça dans le film, elle donne des tons. Comme au début où le personnage de Laura va faire la formation sur l’armement alors qu’on entend une musique inquiétante et dramatique. Moi je veux annoncer la couleur : il y a quelque chose de dangereux qui s’en vient. « Ayez peur pour eux, ayez peur pour elle ! » J’aime les musiques qui ont ces fonctions là et permettent de cadrer un film. Sans cette musique, on suit juste un récit. Avec, on se dit « Wow, il va y avoir quelque chose ! »

Philippe Grégoire au festival Vues du Québec - Photo Christian Ayesten 2022

On sent que vous avez d’ailleurs envie d’introduire des dérives musicales et sonores : la scène du cri, le passage complètement musical… Qu’est-ce que permettent ces passages ?

Pour moi, le cri permet l’artifice du cinéma, car quelqu'un ne pourrait pas crier comme ça. Là, on entre dans l’imaginaire. Je débarque du monde réel pour embarquer là dedans et imaginer quelque chose avec ce cri. Sinon, les bruits des voitures, les pneus qui crissent au début d’un film intitulé Le bruit des moteurs, c’est ma manière de dire aux gens « Préparez vous, vous n’allez pas vers quelque chose de naturel, mais vers quelque chose qui va un peu vous déranger par moments ». Par exemple quand elle gratte avec ses mains sous la table avec tout ce stress, les tensions, les pulsions… Mais comme je le disais, la musique est un autre outil qui me permet de cadrer le récit, de dire le danger autour des personnages comme celui d’Alexandre qui ne le sent pas encore. La musique l’annonce aux spectateurs et spectatrices avant que cela arrive.Pour moi, c’est intéressant de jouer avec ça. Quand j’écris le scénario, je me pose la question de ce que je voudrais qu’on ressente et comment je peux l’amener. C’est là que je regarde les outils dont je dispose et que je décide que la musique va servir à ça. L’intention, c’est cette émotion que j’ai envie de porter à l’écran.

Quelle importance accordez-vous au mixage avec Julien Éclancher et quelle liberté au montage avec Kyril Dubé. On imagine que tout est déjà en place et que les propositions qu’ils peuvent faire sont assez limitées…

Oui, c’est assez cadré. Citons aussi Joël-Aimé Beauchamp pour la musique. Des fois, il me propose un ou deux trucs. Je le rappelle, je reviens avec ce que j’ai écrit « Essaie ça », puis je regarde avec Kyril au montage «  C’est ça qu’on veut ! ». Je prends quand même beaucoup de temps pour réfléchir. J’ai de la facilité à l’imaginer sur les images dans ma tête. Donc je vois assez bien quand ça va être ça. On a toujours quelques surprises en le faisant mais comme j’imagine déjà assez bien comment ça doit fonctionner, alors je l’écris. Et puis tous ces gens, je les rencontre au moment du scénario et je leur demande ce qu’ils pensent de cette partie que j’ai écrite d’une manière précise. Et s’ils me disent qu’ils sont d’accord, alors je mets tout en amont et puis il reste quelques ajustements au montage et à la post production. Même avec le monteur Kyril, je lui montre le découpage, puis ensemble on travaille tous les deux, en montant chacun des scènes de son côté et puis on se les montre, on se les présente en échangeant et à la fin, on assemble nos parties. Même chose pour le tournage. Je ne tourne pas beaucoup, parce que je n’aime pas que le montage se mette à requestionner ce qu’on a tourné. Il y aura ce plan, ce plan là, puis lui. Il n’y aura pas un autre plan que je vais avoir tourné. Parfois Kyril arrivait et me demandait : Tu n’as pas autre chose ? Non il n’y aura rien d’autre. C’est risqué, c’est dangereux mais moi j’aime la pression que ça met à l’équipe. Je dis aux acteurs et aux actrices « Ça va être dans le film ce plan là. Si vous êtes moins solides, ça va être moins solide dans le film ». Donc je mets une pression aux acteurs « Soyez efficaces à chaque fois qu’on dit « Action ! ».

Vous tournez donc assez peu de prises ?

Je peux faire beaucoup de prises, normalement autour de huit. Bon, je ne fais pas du vingt prises non plus... Mais je fais peu de plans. Je fais la prise en travaillant avec eux. Sur Le bruit des moteurs, je n’ai pas pu répéter avec les acteurs et les actrices au fur et à mesure qu’ils arrivaient sur le tournage, zéro minutes, et c’était un ton particulier. Il y avait toujours une petite adaptation. L’acteur principal, Robert naylor, était là dès la première journée et lui s’est ajusté dès le premier jour. Le lendemain, il était correct. Après sont arrivés un autre acteur, une autre actrice « Vers quoi on va? » Eux aussi, après les premières prises, ils doivent s’ajuster et rendus à la quatrième prise, ils voient le ton, puis on commence à préciser à la cinq ou sixième, jusqu’à la huitième prise dont je parlais. Donc aux deux ou trois premières on était normalement assez loin de ce qu’on souhaitait.

J’ai lu que Robert Naylor était aussi l’auteur d’une des mélodies…

Oui, il a fait la musique sur le film d’Ara Ball Quand l’amour se creuse un trou (2018), où il joue le rôle principal. Il m’avait raconté comment cela s’était fait. Il avait dit au réalisateur, Ara, « Je peux te proposer quelque chose, j’ai une idée » et c’est vrai que la musique du film est bonne, c’est un de ses points forts. Il a vraiment bien travaillé même s’il n’a pas été redemandé depuis, mais je pense vraiment que Robert pourrait composer des musiques de films puisqu’il joue pour lui. À des moments, il a été DJ. Il faudrait d’ailleurs que je lui demande où ça en est parce qu’il parlait beaucoup des musiques qu’il devait faire durant la pandémie. Il fait aussi beaucoup de doublage au Québec parce qu’il est né d’un père anglophone et d’une mère francophone et est intégré aux deux milieux. Il parle anglais sans accent, enfin avec un accent nord-américain et ça lui permet de faire le doublage en anglais des films d’animation et autres.

Je l’avais découvert enfant chez Podz dans un rôle particulièrement difficile. Il s’est depuis étoffé sérieusement. C’est plutôt un acteur d’instinct ou a-t-il besoin d’une préparation particulière ?

Je ne connaissais pas l’approche que Robert a eu avec lui, mais c’est un enfant acteur : il avait je crois douze ans en commençant avec Podz, mais en réalité il a commencé les auditions dès l’âge de cinq ans pour des publicités et ce genre de choses. Très jeune, il était intéressé, il avait dit à sa mère qu’il aimerait être acteur et demandé comment faire. Il était alors allé passer des auditions. Il y a chez lui un naturel, il part vraiment de lui-même. Il est très fort techniquement et je savais que je pouvais lui demander beaucoup de choses d’une prise à l’autre et ça ce n’est pas tous les acteurs qu’on peut ébranler comme Robert. Même avec le texte… À un moment donné, il avait un monologue de six lignes à dire. Je pouvais lui dire « À la deuxième ligne, au lieu de dire « la », tu vas dire « les ». À la troisième ligne, enlève la, donc saute directement de la deuxième à la quatrième... - Ouais ! » Il me regardait « Et ensuite à la fin, coupe la dernière ligne... » « OK ! » On faisait la prise dans l’émotion et il était parfaitement juste, avec les changements que je lui demandais. On ne peut pas demander ça à tous les acteurs ou toutes les actrices ! Lui est très fort pour s’ajuster très rapidement, ce qui m’a donné une vraie liberté pendant le tournage. Robert est quelqu’un de très prêt, très efficace. On arrive sur le tournage, une prise et il peut faire les choses très bien et très vite et c’est ce que je recherchais. Quelqu’un avec beaucoup d’expérience. C’est la raison pour laquelle je l’avais contacté. À l’arrivée sur un tournage où on avait peu de jours et aucune répétition, il fallait quelqu'un de prêt instantanément. Il amène donc son naturel et ensuite va l’adapter à la demande.

Vous affectionnez les symboles (la vieille qui plume un poulet pendant l’interrogatoire). Pour autant, vous ne jouez pas jusqu’au bout la métaphore christique. Est-elle juste le produit de la culture catholique québécoise et de son empreinte encore forte en milieu rural ?

Suite à la Révolution Tranquille, j’ai quand même grandi dans un milieu où je n’ai pas tant que ça été amené à aller à l’église tous les dimanches. Enfant, j’ai fait jusqu’à la première communion. (il cherche) Ma… confirmation - désolé Jésus ! -, je l’ai faite mais au-delà de l’âge de douze ans, nous n’allions plus à l’église qu’à Noël et peut-être à Pâques jusqu’à l’âge de quatorze ans. C’est donc vraiment un lien au passé, à l’Histoire. Jésus, c’est vraiment un souvenir d’un catholicisme important au Québec. Je le mets comme autoréférence à notre province, ce qui la caractérisait, mais moi je ne le ressens plus vraiment. J’ai vu à quel point c’était important pour mes grands-parents, ma grand-mère… Ils avaient des crucifix à la maison. On a donc parlé de cette présence christique à travers les mains d’Alexandre, ce passage où il se jette sur le dos, les mains de chaque côté, de façon à former une croix avec son corps. C’est Robert qui avait proposé ça, moi je ne l’avais pas vu mais on m’en a parlé en festivals. Mais il n’y a pas de crucifix dans le film. Ça manque car il y avait justement l’idée d’une droite religieuse choquée par ces dessins à l’église et tout ça. Pour moi, la religion catholique est un bon sujet de rigolade et je m’en sers un peu comme ça.

En France, on ne se rend pas compte de ce que peuvent évoquer ces fameuses terres noires pour les québécois, si grasses si riches et noires comme de la suie et qui semblent engloutir les bras de l’islandaise. Rien à voir avec la peur de ne pas pouvoir échapper à ce milieu agricole donc…

Non. Les terres noires vont peut-être être aussi dans mon prochain film, je ne sais pas encore… Mes deux grands-pères avaient des champs sur ces terres et je me souviens encore enfant quand j’allais m’y baigner, d’y mettre mes bras, mes jambes, de m’enduire de cette terre noire et du plaisir qu’on y prenait. C’est quelque chose qui marque ma région, qui en parle fort et moi je viens de ça, donc je veux l’amener à l’écran…

C’est un rituel indigène.

Oui, c’est super important et complètement identitaire. C’était quelque chose avec lequel j’avais grandi et quand j’étais en cours de cinéma, dans ma classe personne n’avait vécu ça ! C’était donc évident pour moi d’en parler, que nos terres noires soient là, juste pour m’assurer de la survie de mon village.

Philippe Grégoire et Daniel Racine au festival Vues du Québec - Photo Christian Ayesten 2022

A contrario, vous avez conçu la scène sur la tombe du patriote de façon très différente de l’esthétique du film. L’image est très colorée, comme une idéalisation de la nation québécoise de la part d’un jeune issu d’une famille assez fraîchement immigrée. Cela crée une naïveté et une distance avec le récit patriotique assez présent dans le cinéma québécois. Vous citiez d’ailleurs Le Douanier Rousseau parmi les artistes-douaniers, qui a ce même goût de la couleur jusqu’à choquer. Comment vous situez-vous par rapport à cette lutte politique et quelle était l’idée esthétique ?

C’est vrai que c’est assez présent dans le cinéma québécois, les patriotes et tout ça. Mon lieu est souvent rattaché à rien, un lieu anonyme, sans histoire. Moi je voulais justement faire remarquer que, puisqu’on ne se souvient pas de notre propre histoire, il est normal qu’on ait toujours cette impression qu’il n’y en a pas. Quand il y a une histoire, il faut la prendre, se la rappeler, se le dire que ces batailles des patriotes se sont faites dans ma région, ainsi qu’un ami montréalais me l’avait fait remarquer. Les gens ne le savent pas donc moi je vais le rappeler aux gens de mon village, pour qu’on arrête de dire que c’est juste une piste d’accélération et que le peu d’histoire du Québec soit présente. C’est pour ça que je trouvais ça intéressant. Mais il y a aussi le personnage de l’islandaise, Adalbjörg, qui à la fin fait une grimace là-dessus parce que le patriotisme est aussi un concept qui est parfois repris par des groupes d’extrême droite du Québec avec lesquels je suis un peu en désaccord. Donc l’idée, c’est de dire « L’Histoire, elle est là mais ce n’est pas une raison pour en faire du patriotisme et s’en servir de tous les côtés ». Je veux aussi faire attention à ça.

On n’en a pas encore parlé mais cette piste d’accélération est finalement peu présente et ce, en dépit du titre. C’est presque le point aveugle…

J’ai lu une critique dans Le devoir à Montréal qui disait « Le bruit des moteurs n’est pas un film de char » et moi j’aimais beaucoup l’idée d’annoncer Napierville, des voitures… Mais justement Napierville ne se révèle pas uniquement à travers une piste de drag, mais à travers autre chose. Pour moi, c’est toujours un peu ça. Les événements, la vie apparaît quand on est en train de vivre la vie de tous les jours alors qu’on se dit dans le futur, ça sera mieux alors que non, c’est dans le quotidien qu’il y a des événements, des suites. Je voulais qu’à travers le quotidien de cette piste d’accélération, on soit en train de découvrir autre chose. Je me rends compte que certains côtés sont dérisoires et la dérision ça me fait créer. Ce qui fait rire me fait écrire. J’avais aussi lu que pour Drive, ils avaient mis tous les moments de course automobile avec Ryan Gosling dans la bande-annonce pour vendre le film aux États-Unis. Une américaine est allée voir le film et en est sortie fâchée et leur a demandé de l’argent pour publicité mensongère. « Il n’y a pas d’autos, pas de courses, je pensais que j’allais voir Fast and furious ! » J’ai trouvé ça très drôle et je me suis dit que ça pourrait être ça ma bande-annonce : mettre toutes mes séquences de voitures et dire « Film de course » et de toutes façons ce ne sera pas ça. Aucune épate, je ne fais pas de Drive et ne vise aucun million aux États-Unis. Cette idée là était donc présente sans que je le fasse. Les voitures, j’aime ça, j’aime les dessins des voitures, j’ai envie de les filmer. Dans tous mes courts-métrages, on est à un moment dans une voiture avec des gens qui parlent puisque j’ai moi-même grandi dans une voiture. Il n’y a pas de transports en commun là d’où je viens : si on veut se rendre à Montréal, il faut prendre une auto. Parce que c’est la seule façon de sortir de mon village, les voitures sont importantes. Et il était important de filmer la piste de course, de capter ça car c’est très représentatif de ma région. En même temps, je ne pense pas que la course automobile survive encore dans les cinquante prochaines années ! (rires) Je me trompe peut-être mais c’est l’impression que j’ai, donc il faut la filmer maintenant pendant qu’elle est encore là.

Pour votre prochain film, qu’envisagez vous de traiter qui ne l’ai pas encore été ou sinon d’agencer différemment, d’en parler d’une autre façon dans un tout autre récit ? Quel sera l’angle d’attaque ?

J’ai commencé à faire de la recherche, j’ai même écrit mais je veux poursuivre la recherche car il faut beaucoup de matière pour écrire un long-métrage. Je n’ai pas envie de partir avec juste une petite idée et de l’explorer mais avec plusieurs idées et les confronter dans un projet. C’est sûr qu’il y aura un prolongement du Bruit des moteurs car des questions sont apparues avec ce film. Ça m’a fait découvrir d’autres aspects de mon village que j’ai envie de traiter dans mon prochain film et que je ne connaissais pas avant de faire celui-là. Ce sont des nouveaux sujets pour moi et pour bien en parler, il faut que je connaisse le sujet et je dois rencontrer des gens, prendre encore des photos des lieux et choisir où j’ai envie de filmer. Mais ça va se passer dans le milieu agricole près de mon village, ça m’intéresse encore, ça c’est sûr !

Vu que vous vous donnez pas mal de temps, est-ce que pendant ce temps vous travaillez chez les autres pour faire de l’alimentaire ? Comment gérez-vous cette période préparatoire ?

J’ai eu une aide à l’écriture du Conseil des Arts du Canada pour écrire ce scénario et ça aide vraiment pour le faire. Mais je me suis posé cette question là car ayant fait des courts-métrages, je suis parfois allé travailler sur des petits projets de mes amis. Je n’aime pas beaucoup le marketing et la publicité mais je m’étais quand même posé la question car il y aussi à apprendre coté mise en scène. Je ne pense pas en faire. Le prochain film doit être un bon film et il faut y passer du temps. Croire qu’on est capables de tout faire en même temps, d’écrire un scénario, de tourner des publicités et d’enseigner le cinéma, tel que je me connais, je serais mauvais en tout et ça, je ne veux pas que ça arrive. J’ai assez d’argent grâce à cette bourse, je peux donc écrire mon scénario. « Écris en un bon, sois fier, travaille fort ! » Une fois que ça sera fait, on ira vers les prochaines étapes et s’il manque de l’argent pour payer le loyer, alors j’irai travailler n’importe où. C’est important d’écrire un bon scénario et ça prend du temps, tout doit être dedans, tout part de là. Je n’avais pas fait beaucoup lire celui du Bruit des moteurs, à quelques amis seulement dont j’avais recueilli quelques commentaires. Je ne le passe pas à cinquante personnes car j’ai le souvenir que pour mes courts-métrages, on m’avait dit « Ah, tu peux couper cette scène là ». Je donnais raison à mes amis et puis plus tard en voyant le film, on me disait « Il me semble qu’il y aurait eu besoin de telle scène – Ah, elle était dans le scénario mais on l’a coupée car on s’est dits qu’on n’en avait pas besoin». À un moment donné, il faut se faire confiance, il faut les filmer et moi, en me faisant confiance, j’apprends et je n’ai pas de regrets par rapport à ce que j’ai fait. C’est constamment de l’apprentissage donc avec mon prochain film, je veux encore aller tester. Je fais des films pour apprendre. « On n’a pas fait ça, ça va être difficile, essayons le ! ». Il y a un peu ce côté artisanal...

Photos: Christian Ayesten- Festival Vues du Québec 2022

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