Des convives mangent autour d'une table, servis par plusieurs majordomes. Un lustre brillant éclaire la pièce assombrie et, surtout, la table, montrant des convives pâles et, manifestement, affamés… Le plancher craque au fur et à mesure que les convives se nourrissent, ce qu'ils font de manière frénétique et outrancière. Les convives mangent de drôles d'espèces, peut-être en voie d'extinction ou disparues.
La partie du plancher soutenant la table et les convives s'effondre, envoyant ceux-ci à l'étage du bas, couverts de poussière. À l'étage du dessus, un majordome dit dans un interphone : « Next Floor ! » et tous les majordomes, ainsi que le lustre, descendent d'un étage. On voit, par le plafond, que la situation s'est déjà produite à plusieurs reprises. Après une brève hésitation, les convives continuent à littéralement se goinfrer. Le plancher cède à nouveau et une réaction en chaîne empêche désormais la table de se stabiliser. Le lustre brillant tombe, s'enfonçant dans le trou de plus en plus noir au fur et à mesure que les planchers se font défoncer par la table et les convives…
Serveurs :
Convives :
Musiciens :
Next Floor, Court métrage de Denis Villeneuve – par Virginie Doré Lemonde dans Ciel Variable
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Car c’est bien d’un tableau animé qu’il s’agit, le film étant pratiquement dépourvu de dialogue. La place est donc ici entièrement laissée à l’image seule, qui a dans ce cas-ci un langage particulier. En effet, non seulement l’atmosphère dégagée par la photographie et l’éclairage rappelle-t-elle l’univers surréaliste, mais il est aussi possible de faire un parallèle avec le monde visuel de Peter Greenaway (surtout le film Le cuisinier, le voleur, sa femme et son amant, 1990), cinéaste et vidéaste qui expérimente beaucoup le pouvoir de l’image au cinéma.
De plus, le choix des acteurs semble avoir été influencé par les visages particuliers dont Fellini raffolait, tant ils sont ici caractéristiques et singuliers. En fait, chaque personnage, par son costume et sa façon d’agir, paraît représenter une période de l’histoire contemporaine (uniforme ressemblant à celui des officiers nazis, chaussures et coiffures à la mode des années 1920, etc.).
Une grande attention est également portée à la confection et à la facture visuelle des plats servis aux convives. Véritables natures mortes suintantes et gluantes montrées en gros plans, les assiettes semblent même être un amalgame d’une partie du corps humain et d’un plat connu (par exemple, des huîtres dont l’intérieur ressemble à un cerveau). De plus, ces mets, apportés tels des trophées, sont souvent agrémentés de la tête, voire du corps mutilé de l’animal qui sera dévoré, ajoutant à la barbarie et à l’infamie de cet échantillon d’étranges personnages.
Toujours en rapport avec l’aspect visuel du film, il est à noter que dans la mesure où il s’agit d’un film sans dialogue, l’utilisation courante du gros plan permet au spectateur de saisir les émotions ressenties par chacun des personnages. En effet, certains commencent par être de simples témoins, et ne prennent part au buffet que lorsqu’ils sentent qu’ils n’en ont plus le choix. À ce moment, une larme sur une joue ou un regard réprobateur vers le voisin peut prendre une importance considérable."
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